Vis de formes, une exposition de Barbara Noiret
Galerie Frédéric Giroux / 14 novembre-23 décembre 2009
Donner du relief – plastique comme mental – à ce qui semble, à première vue, ne pas en avoir : telle est l’une des recherches continuelles et salutaires de Barbara Noiret depuis le début des années 2000.
En effet, nombre de ses œuvres possèdent cette particularité d’arrêter notre regard sur des éléments du réel sans attrait spécifique ni apparent. Révélés par son intuition et son attention aux contextes qu’elle expérimente, ils sont alors relevés, mis en scène dans des photographies, des vidéos, des performances, des installations et des sculptures qui imaginent un nouveau rapport aux objets, aux œuvres et aux perceptions, qui leur confèrent consistance et intérêt.
Bas-relief propose ainsi la photographie d’un lustre dont le contrecollage en aluminium se déploie pour redonner matérialité et épaisseur à l’objet photographié. La photographie Recto/Verso (lustre), quant à elle, ne s’appréhende véritablement qu’en la prenant en main, devenant un objet à manipuler.
Pour sa seconde exposition personnelle à la Galerie Frédéric Giroux, Barbara Noiret réunit un corpus d’œuvres nouvelles, issues d’une pratique d’atelier ainsi que de certaines résidences – dispositif de création qu’elle affectionne particulièrement – menées ces dernières années. Le mélancolique Coucher de soleil témoigne ainsi de sa résidence à l’Institut Marcel-Rivière, Centre psychiatrique de la Verrière (2005-2006), tandis que Partition pour une routine a été filmé chez Eurogroup, entreprise de conseil située à La Défense, où elle vient de passer six mois en immersion (2009).
Symboliquement, pour une artiste dont le principal médium demeure la photographie, la lumière et le processus de révélation se trouvent au cœur des œuvres présentées, à la fois thèmes et sujets des photographies et des objets-reliefs. Dans les premières, la présence lumineuse peut être exacerbée, menaçante, crépusculaire ou pléthorique selon qu’il s’agisse de l’éclairage surréaliste d’un stand de foire dans Spot light, des réserves du Musée de l’Assistance-Publique dans Drapé, du délabrement d’un pavillon abandonné d’un centre psychiatrique dans Coucher de soleil ou de la présentation commerciale de plafonniers dans Recto/Verso (lustre).
Dans les seconds, le fait lumineux – l’éclairage comme le processus de réverbération d’une image – n’est plus qu’un souvenir ou une obsolescence. On/Off présente un lustre en plâtre triplement inutile : sa matière, son interrupteur placé hors de portée et son aspect tronqué le rendent inutilisable. Murmure, autre sculpture en plâtre, ne semble que le souvenir fantomatique d’un cadre autrefois présent, désormais recouvert, comme les réserves de Drapé, d’un voile blanc. Coin-photo, enfin, est un dernier dispositif de mise en relief dont la finalité n’est qu’auto-référentielle, ne reflétant pas d’autre image que la sienne.
Nous-mêmes, spectateurs, ne voyons finalement que très peu les scènes éclairées par les lampes et autres lustres des photographies, devenues formes célibataires et inutiles. Les « vis de formes » montrent ainsi des situations et des objets, séduisant ou banals, sans fonction ou sans contexte, reposants et désuets, livrés à une vie autonome ou en attente d’être saisis.
Dans la seconde salle, l’installation vidéo Partition pour une routine semble enfin proposer un dialogue, un échange, apparemment musical. Dans un cube de verre, un musicien joue du violon. Autour du cube, salle de concert d’un genre inattendu, sont massés des personnes, spectateurs d’une représentation musicale advenue dans le contexte particulier d’une entreprise. Issue d’une performance réalisée chez Eurogroup, l’œuvre propose en fait la confrontation entre une bande-son, composée par l’artiste à partir de réunions de travail auxquelles elle a assisté pendant sa résidence, et l’improvisation du musicien, jouant en contrepoint. Deux langages rythmiques, très particuliers, se trouvent alors en écho, aussi indécidables l’un que l’autre.
Jouant des volumes, des reliefs, d’allers-retours entre la deuxième et la troisième dimension, des liens complexes entre apparence et usage, Barbara Noiret propose des images étonnantes, des bribes de sens, où la mise en scène de la lumière ne parvient pas à masquer l’étrangeté réelle et mémorielle des instants et des images saisis par l’artiste.
Clément Dirié
2009
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